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Dakini 3

Ḍākinī et l’Empereur 3

8. L’Onction d’intronisation et Dakini-ten Retourner à la Table des Matières
A. Aperçu de l’histoire de l’Onction d’intronisation Retourner à la Table des Matières
On a vu ci-dessus dans le texte de Jien une phrase où celui-ci faisait allusion au «Sceau du Poing de la Sapience» (chiken-in 智拳印) que l’empereur aurait formé lors de la cérémonie d’intronisation (“on rapporte qu’à la cérémonie de l’intronisation du Roi dans le monde profane, au moment où celui-ci se met sur le Haut-Trône, on lui fait former le Sceau du Poing de la Sapience, en imitation du Roi [Sinciput] de la Roue d’or...”). Dans le même texte, un peu plus loin, il revient au même sujet, en y ajoutant une précision : après avoir identifié une fois de plus les Trois Trésors Divins de la dynastie impériale à des entités bouddhiques (“le Joyau-Epée est Acala et le Sceau Divin, Buddhalocanā. [...] Le naishi-dokoro [i.e. le Miroir Divin] est le Tathāgata Mahāvairocana...”), Jien écrit(93) :
D’une manière générale, dans les temps anciens des rois sages et des sujets intelligents, ceux-ci connaissaient certainement les significations précises de ces Trois Trésors. Dans le monde [actuel qui s’approche] de la fin [de la Loi bouddhique], où la vertu est devenue si mince, la tradition [sur ces significations] ne se retrouve plus. Maintenant, il n’y a plus personne qui sache tout [là-dessus]. On lit [seulement] une mention dans un écrit du Noble Masafusa (Masafusakyō ki 匡房卿記 [le manuscrit écrit 廷房卿記, mais il faut sans doute lire 匡房卿記]), du fait que lorsque l’empereur s’intronise, il formerait le Sceau du poing de la Sapience ; mais à part cet [écrit], il semble que personne ne sache rien sur cela. Et même en lisant cet écrit, personne ne semble chercher plus loin. Après [le temps de Masafusa], de règne en règne, lors de l’intronisation des empereurs, ce genre de rituel ne paraît avoir jamais été pratiqué. On peut croire que les traditions sur les enseignements vrais et les enseignements profanes (shin-zoku shohō no narai 眞俗諸法之習 [i.e. les traditions bouddhiques et temporelles]) se manifestent dans le monde selon les occasions. Lorsque l’occasion ne se présente pas, elles s’interrompent — : tout va ainsi selon la nature des Essences (hōni 法爾)...
L’«écrit du Noble Masafusa» mentionné dans ce passage semble correspondre à la Relation de l’intronisation de l’Empereur Go-Sanjō (Go-Sanjō-in go-sokui ki 後三条院御即位記), dont l’auteur est probablement Ōe no Masafusa 大江匡房 (1041-1111), un homme de lettre extrêmement cultivé et un sujet fidèle de l’Empereur Go-Sanjō. On lit dans ce document (daté de 1068, l’année de l’intronisation de l’Empereur Go-Sanjō) une petite note qui semble confirmer le texte de Jien : en effet, il y est dit que, lorsque le nouvel Empereur allait s’installer au Haut-Trône, “contrairement à l’Empereur retiré Sanjō 三条院 [976-1017], il forma avec ses mains un Sceau qui ressemble au Sceau du Tathāgata Mahāvairocana, [qui est] un Sceau de Poing”(94).
L’histoire de la cérémonie bouddhique de l’Onction d’intronisation comporte encore des parties peu claires, et les spécialistes ne sont pas d’accord sur tous les points. Depuis quand, et dans quelle mesure, l’Onction d’intronisation a-t-elle été réellement pratiquée par les empereurs ? Par exemple, Abe Yasurō et Hotate Michihisa semblent admettre que l’Empereur Go-Sanjō ait été le premier à l’avoir pratiquée, du moins sous une forme embryonnaire(95), alors que Kamikawa Michio, qui a étudié aussi ce problème, croit de son côté que le témoignage d’Ōe no Masafusa n’est pas assez explicite pour affirmer qu’un tel rituel a été réellement pratiqué par cet Empereur(96). Il semble certain en tout cas qu’à l’époque de Jien (début du XIIIe siècle), ce rituel était tombé en oubli, et n’était pas pratiqué. Pour Kamikawa, le premier empereur à l’avoir pratiqué sûrement est Fushimi 伏見天皇 (1265-1317 ; règne de 1288-1298), monté sur le trône en 1288 ; son fils, l’Empereur Hanazono 花園天皇 (1297-1348 ; règne de 1308-1318) a certainement reçu l’enseignement de l’Onction d’intronisation, mais en 1317 seulement, c’est-à-dire 9 ans après son intronisation. L’Empereur Go-Daigo 後醍醐天皇 (1288-1339 ; règne de 1318-1339) s’intéressa fort au même enseignement, mais il n’est pas sûr qu’il l’ait pratiqué. Selon Kamikawa toujours, c’est seulement après l’Empereur Go-Komatsu 後小松天皇 (1377-1433 ; règne de 1382-1412) — celui en faveur duquel le dernier empereur de la Dynastie du Sud (nanchō 南朝), l’Empereur Go-Kameyama 後龜山天皇 (?-1424 ; règne de 1383-1392), abdiqua — que la pratique de l’Onction d’intronisation lors de la cérémonie d’intronisation en devint une partie régulière et intégrante. Elle continua à l’être jusques et y compris dans la cérémonie d’intronisation de l’Empereur Kōmei 孝明天皇 (1831-1866 ; règne de 1847-1866), le dernier empereur avant l’ère Meiji(97) ; à partir de l’Empereur Meiji 明治天皇 (1852-1912 ; règne de 1867-1912), par effet du nationalisme shintoïste, tout ce qui pouvait évoquer le bouddhisme a été exclu du tout rituel impérial, ce qui a entraîné l’oubli presque total de l’élément bouddhique dans la religion impériale japonaise, même chez la plupart des historiens jusqu’à ces dernières années.
Il faut remarquer aussi que, du côté bouddhique, ce rituel a toujours été tenu dans le plus grand secret, comme un apanage exclusif des plus hauts dignitaires des Ecoles Shingon et Tendai ; par ailleurs, au plus tard à partir de la fin de l’époque Kamakura, ce rituel a été transmis de génération en génération comme une tradition secrète familiale dans quelques unes des cinq familles du clan Fujiwara ayant rempli la fonction de Régent (go sekke 五攝家 ou setsuroku-ke 攝籙家), notamment la famille Nijō 二条 et la famille Ichijō 一条(98).
La transmission secrète de maître à disciple (ou de père à fils) de tel ou tel enseignement est une pratique dont l’origine doit être cherchée sans doute dans la tradition bouddhique de l’ésotérisme, mais elle s’est généralisée absolument dans toutes les branches de la culture japonaise à partir du Moyen âge (le shintoïsme, la poésie, la musique, les arts théâtraux, les arts martiaux, l’art de la cérémonie de thé ou d’ikebana, jusques et y compris les “arts mathématiques”, etc.). Dans une certaine mesure, c’était même le degré du secret qui donnait la valeur et l’autorité aux enseignements transmis (bien des enseignements secrets pouvaient s’acheter avec de l’argent). On peut sans doute dire que toute cette culture était ésotérique, non pas seulement métaphoriquement, par le mode de la transmission, mais encore comme ayant reçu une certaine influence de la pensée et de l’esprit de l’ésotérisme bouddhique (il a existé même des expressions comme waka-kanjō 和歌灌頂, l’“«Onction» [de transmission des secrets] de la poésie japonaise”, gakudō-kanjō 樂道灌頂 ; l’“«Onction» [de transmission des secrets] de la musique”, etc.(99)). Et il n’est peut-être pas exagéré de dire qu’au cœur et au centre de tout ce système de secrets se trouvait le plus haut secret de l’«impérialisme bouddhique», qui était précisément le rituel de l’Onction d’intronisation, lequel était fondé lui-même sur une certaine théorisation sur le plan métaphysique de la sexualité impériale...
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B. Antécédant du rituel de l’Onction d’intronisation Retourner à la Table des Matières
Mais que signifie la cérémonie d’abhiṣeka au sens propre et quelle place avait-elle dans le bouddhisme? Un rapide survol sur l’histoire de l’abhiṣeka est nécessaire avant d’aborder le problème de l’Onction d’intronisation dans le Japon médiéval.
En Inde, l’abhiṣeka était à l’origine une antique cérémonie d’intronisation du roi, dont la partie essentielle consistait à une onction, sur la tête de celui-ci, de “toutes les eaux célestes et terrestres réunies” dans quatre vases (Śatapatha-brāhmaṇa) ; par ce rituel, le nouveau roi devenait symboliquement le monarque universel, le “Saint Roi Tournant-la-Roue” (ārya cakravarti rāja)(100).
Dans la littérature bouddhique traduite en chinois, il existe des textes décrivant cette cérémonie royale indienne en des couleurs fabuleuses(101). D’autre part, la légende bouddhique a très tôt attribué au Buddha Śākyamuni un symbolisme royal ; le prince Siddhārtha aurait été prédestiné à devenir le monarque universel, s’il n’avait pas décidé d’entrer en religion pour devenir le sauveur universel. Selon H. Durt, “dans plusieurs traditions, il est question d’une onction (abhiṣeka, kanjō 灌頂) de roi cakravartin, administrée avec l’eau des quatre Océans au futur Buddha lors de sa naissance (Ttt. L 2040 [Shaka-fu 釋迦譜 par Sengyou 僧祐, 445-518] i 20a20) et lorsque son père essaie de le retenir sur la voie mondaine (Inga-kyō 因果經 [traduit vers le milieu du Ve siècle], Tt. III 189 ii 629a8-21)”(102) (cet Inga-kyō, ou Kako-genzai inga-kyō 過去現在因縁經, est particulièrement important, parce qu’il fut très populaire dans tout l’Extrême-Orient). Dans le Grand Véhicule, cette tendance est toujours plus accentuée, et le Bodhisattva qui monte au plus haut grade de sa carrière était dit recevoir l’abhiṣeka de l’eau de la Sapience des Buddha (chisui 智水), de la même manière que le prince montant au trône du monarque universel qui recevait sur sa tête l’eau des Quatre Océans (notamment dans l’Avataṃsaka-sūtra)(103). Dans le bouddhisme ésotérique, le mot abhiṣeka est employé surtout dans ce sens en partie métaphorique : l’abhiṣeka ésotérique est la cérémonie qui marque la transmission de la Loi à des degrés divers, et dans certains cas, il semble qu’il puisse ne pas comporter nécessairement l’aspersion de l’eau au sens propre(104).
Cependant, il existe au moins un document qui semble attester que l’abhiṣeka au sens de cérémonie de consécration de la royauté a pu être pratiquée réellement dans le bouddhisme ésotérique : c’est un passage de la biographie d’Amoghavajra, où il est dit que pendant les années 758-759, celui-ci a organisé pour l’Empereur Suzong 肅宗 (711-762 ; règne de 756-762) la cérémonie d’abhiṣeka des Sept Joyaux du Monarque Universel(105).
Par ailleurs, l’image symbolique du Buddha qui est en même temps monarque universel est concrétisée dans le bouddhisme ésotérique dans la figure du Sinciput du Buddha, et notament du Sinciput de Buddha de la Roue d’or d’une seule Lettre (Ekākṣara-Uṣṇīṣa-cakravartin), dont le Sceau est identique au Sceau du Buddha Mahāvairocana du Maṇḍala du Plan de Diamant, à savoir le Sceau du Poing de la Sapience(106) (on sait que le Buddha Mahāvairocana dans certains quartiers du Maṇḍala du Plan de Diamant est représenté couronné et paré, sous une forme royale). On voit par ce biais que la pratique de l’Onction comme cérémonie d’intronisation, et le choix du Sceau du Poing de la Sapience comme élément essentiel de ce rituel, étaient justifiés aussi bien du point de vue de l’histoire du sens du mot même d’abhiṣeka, que du point de vue de la doctrine bouddhique de la corrélation de la bouddhéité et de la royauté.
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C. Mythes relatifs au rituel de l’Onction d’intronisation Retourner à la Table des Matières
Nous ne pouvons pas entrer ici dans les détails du rituel de l’Onction d’intronisation. Cependant, il faut noter dès maintenant qu’il exista au moins trois formes de ce rituel au cours du Moyen âge japonais : il y eut d’une part un rituel de l’Onction d’intronisation selon la tradition du Tōji, d’autre part, un autre rituel selon la tradition du Tendai, et enfin, le rituel qui semble avoir été réellement pratiqué par les empereurs (c’est le rituel transmis dans des familles du clan Fujiwara). Alors que les deux premiers, qui sont dans un sens plus “théoriques” ou “imaginaires”, sont plus complexes et comportent de riches éléments mythiques, le dernier, dont le contenu réel n’est transmis jusqu’à nous que par des documents rares, et dans des descriptions particulièrement laconiques, paraît avoir été très simple, n’impliquant presque aucune donnée mythique.
Il est bon aussi, ici, de noter la structure caractéristique de beaucoup de textes de rituels médiévaux : ceux-ci sont composés d’une description du rituel lui-même, qui est bien la partie essentielle, à laquelle s’ajoutent très souvent l’histoire de la transmission secrète (kechimyaku 血脈, “lignage de sang”), authentifiant le contenu du texte, et un mythe ou une légende “d’occasion” (engi 縁起) qui peut avoir différentes fonctions, soit, par exemple, expliquer l’origine du rituel, soit exposer les circonstances dans lesquelles il a été pratiqué, etc. (d’ailleurs, l’histoire de la transmission et la légende d’occasion peuvent parfois se confondre)(107).
Dakini-ten est un des éléments centraux dans les rituels de toutes les trois traditions. Cependant, c’est dans la tradition selon le Tōji qu’on trouve un mythe où elle joue un rôle de premier plan ; dans les deux autres traditions, elle est présente dans des Formules essentielles du rituel, mais sur le plan mythique, la tradition selon le Tendai remplace le mythe de la tradition du Tōji par un autre mythe ; et le rituel “officiel” semble ne comporter aucun élément mythique explicite. Ainsi, on peut croire que c’est la tradition selon le Tōji qui a originellement introduit ces éléments relatifs à Dakini-ten, ce qui est bien compréhensible si l’on songe aux rapports très étroits entre le Tōji et le culte d’Inari.
Voici en résumé les deux mythes, l’un selon la traidion du Tōji et l’autre selon celle du Tendai :
1. Le mythe de la tradition du Tōji (nous suivons un résumé donné par Abe Yasurō, en le complétant de quelques détails(108)) :
La Terre Originelle (honji 本地) de la Grande Divinité Amaterasu n’est autre que Dakini-ten. Elle se transforme aussi bien en la Divinité de Kasuga 春日 que celle de Kashima 鹿島 (l’une et l’autre furent des divinités tutélaires du clan Fujiwara). Elle apparut un jour chez un indigène (domin 土民, littéralement “un homme de la terre”, un paysan ou cultivateur) du Pays de Hitachi 常陸 (où se trouve le Sanctuaire de Kashima) sous forme d’un(e) renard(e) divin(e) (shinko 辰狐) et enleva son petit enfant ; elle rôda autour de l’enfant, s’étendit sur le dos et le déposa sur son ventre, en prononçant cette parole d’incantation : «Ji-son-sa-ri-kuwi-sai-wi shi-sa-sa-sa-ko-ten 自尊佐利均在位 七歳作坐冠天子». Elle lui accorda le rituel secret de la Grande Divinité [Amaterasu] et une faucille dont la poignée était enroulée de sarment de glycine (fuji-maki no kama 藤卷の鎌) ; elle prédit qu’il serait le Maître du Fils du Ciel (i.e. l’empereur : tenshi no shihan 天子の師範), puis le rendit à ses parents. Plus tard, cet enfant grandit, monta à la Capitale et devint un employé à la Cour (beaucoup de versions disent qu’il fut un balayeur à la Cour). Ce fut au moment où Soga no Iruka 蘇我入鹿 (?-645, un ministre qui accapara tout le pouvoir politique avant le milieu du VIIe siècle) était à l’apogée de son pouvoir et mettait le trône en danger. L’homme qui avait été béni par la renarde se mit au côté du prince Naka-no-ōe-no-ōji 中大兄皇子 (qui sera l’Empereur Tenji 天智天皇, 626-671, règne 668-671), ennemi d’Iruka, et coupa la tête de celui-ci avec la faucille que lui avait donnée la renarde. Il devint ministre et donna à l’Empereur le rituel secret qu’il avait reçu de la renarde. C’est parce qu’il avait toujours sa faucille (kama) avec la poignée enroulée de sarment de glycine (fuji) qu’il fut nommé Fujiwara no Kamatari 藤原鎌足 (614-669), l’ancêtre de la grande famille Fujiwara, dont les membres furent de génération en génération des Maître du Fils du Ciel.
2. Le mythe de la tradition du Tendai (résumé basé sur le texte du Tendai-gata go-sokui-hō 天台方御即位法, manuscrit copié par Shun’yu 春瑜 en 1429 et conservé à la Bibliothèque du Sanctuaire d’Ise 神宮文庫(109)) :
Ce mythe se divise en deux parties. Dans la plupart des textes du rituel de l’Onction d’intronisation selon la tradition du Tendai, on ne trouve que la première partie, bien qu’il existât des documents comportant les deux parties dès la fin du XIIIe siècle(110).
Première partie. Sous la Dynastie des Zhou 周 en Chine (1121 ?-252 av. J.-C.), il y eut un roi nommé Mu 穆王. Il avait un char aux huit chevaux ; un jour, il monta sur ce char et partit vers l’Ouest (111)),. Il parvint au Mont Gṛdhrakūṭa de Rājagṛha, en Inde, juste au moment où le Buddha Śākyamuni prêchait le Sūtra du Lotus de la Bonne Loi. Réjoui de l’arrivée du roi, le Buddha lui enseigna des stances essentielles du Sūtra en langue chinoise (en particulier, deux stances du Chapitre sur le Bodhisattva Avalokiteśvara, Fumon-bon 普門品, qui disent : “Il regarde les Etres avec les yeux de Compassion, L’Océan des Mérites est infini”, Jigen shi shujō, fuku-ju-kai muryō 慈眼視衆生 福聚海無量(112)), en lui disant qu’il faut les transmettre dans la lignée impériale de génération en génération pour le bon gouvernement du pays (jikoku 治國).
Seconde partie. Or, sous le règne de l’Empereur Shi des Qin 秦始皇帝 (259-210 av. J.-C.), il y eut un garçon du nom de Ji (Ji-dō 慈童) à la Cour, qui accapara à lui seul tout l’amour de l’Empereur(113). Un jour, il eut l’audace d’emjamber l’oreiller de l’Empereur. Les ministres délibérèrent et décidèrent qu’il méritait la peine capitale ; cependant, l’Empereur eut pitié du garçon, et fit qu’il fût exilé, et au moment où il partit à l’exil, il lui enseigna en secret les stances réservées aux empereurs (les deux stances du Chapitre Fumon-bon). Ji-dō fut exilé au Mont appelé Lixian 酈縣山, une profonde et sombre montagne remplie de bêtes sauvages comme les tigres et les loups. Ji-dō, suivant l’enseignement de son roi, récita tous les matins les stances du Sūtra et pour ne pas les oublier, les inscrivit sur des feuilles de chrysanthème. Des gouttes de rosée qui coulèrent de ces feuilles formèrent un ruisseau. Ji-dō goûta l’eau de ce ruisseau, qui était douce comme de l’ambroisie (cette eau est appelée kikusui 菊水, “l’eau de chrysanthème”) ; et les bêtes sauvages, loin de le tourmenter, l’aidèrent à vivre. Ainsi, il vécut sans vieillir, et huit cents ans plus tard, à l’époque de l’Empereur Wenti 文帝 des Wei 魏 (règne de 220-226), il sortit de la montagne, en s’appelant Pengzu 彭祖 (un célèbre immortel de la légende chinoise). Il enseigna alora à l’Empereur les stances secrètes. C’est ainsi que de génération en génération, chaque fois que le prince héritier monte au trône, il reçoit ces stances.
Comme on peut le constater par ces résumés, les deux parties du mythe Tendai sont basées d’une manière plus ou moins loitaine sur des classiques chinois(114), et plus directement sur des remaniements japonais qui avaient repris des thèmes de ces sources chinoises(115). Par contre, il semble bien que le mythe de la tradition du Tōji soit d’origine purement japonaise. Le premier document mentionnant cet étrange mythe sous une forme d’ébauche est une biographie légendaire de Shōtoku-taishi 聖徳太子, intitulé “Shōtoku-taishi on-koto 聖徳太子御事”, dont la copie conservé à la Bubliothèque de Sonkei-kaku 尊經閣文庫 est datée de 1227, mais là, il s’agit simplement d’expliquer le nom de Kamatari par un(e) renard(e) qui aurait apporté une faucille (kama) au moment de sa naissance, et il n’y est pas question de l’Onction d’intronisation(116).

D. Documents relatifs au rituel de l’Onction d’intronisation Retourner à la Table des Matières
Le témoignage de Jien montre clairement qu’à son époque (1155-1225), le rituel de l’Onction d’intronisation en général n’était pas pratiqué ; on peut en déduire aussi que, du moins dans l’ésprit de Jien, ce rituel devait consister essentiellement au Sceau du Poing de la Sapience, c’est-à-dire le Sceau du Buddha Mahāvairocana du Plan du Diamant, que le nouvel empereur devait former au moment de monter au Haut-Trône.
Le Sceau du Poing de la Sapience restera toujours l’élément le plus essentiel de l’Onction d’intronisation. — Alors qu’à l’époque de Jien, il semble que le rituel de l’Onction d’intronisation fût pratiquement inconnu (sauf comme un souvenir vague), quelques décennies plus tard, des manuscrits décrivant ce rituel ou relatant des mythes qui le concernent commencent à se former ; les plus anciens documents qui concernent directement l’Onction d’intronisation semblent remonter à la seconde moitié du XIIIe siècle (souvenons-nous que l’Onction d’intronisation a été pratiquée lors de l’intronisation de l’Empereur Fushimi, en 1288). Les documents sont particulièrement nombreux au XIVe siècle, et s’échelonnent jusqu’au XVIIe ou XVIIIe siècle(117).
Les documents qui concernent l’Onction d’intronisation, dont beaucoup restent encore non imprimés, peuvent être classés en gros en trois catégories :
1) Des écrits de rituels et de traditions ésotériques des Ecoles Shingon et Tendai, et du “bouddho-shintoïsme” médiéval. En voici quelques examples :
Tōji sokui-hō 東寺即位法, “Rituel de l’intronisation selon [la tradition du] Tōji”, manuscrit daté de 1337, conservé au Sanbō-in 三寶院 du Daigo-ji 醍醐寺, où l’on trouve une signature de Kakujō 覺乘 (celui-ci aurait été un disciple d’Eizon 叡尊 [1201-90], le fondateur du Shingon-risshū 眞言律宗)(118) ;
Sōji-shō 總持抄 de Chōgō 澄豪, section nommé “[Sceaux et Formules] donnés à l’Empereur lors de son intronisation” (Go-sokui no toki teiō ni sazuke-tatematsuru koto 御即位之時奉授帝王事)(119) où l’on trouve une description complète du rituel Tendai avec le mythe de la tradition du Tōji et la première partie du mythe Tendai ;
Tenshō-taijin kuketsu 天照太神口決, “Traditions orales de la Grande Divinité Tenshō”, dont l’auteur serait peut-être Kakujō, le disciple d’Eizon mentionné à l’instant (un manuscrit daté de 1601, conservé dans le fonds Yasui 保井文庫 de la Bibliothèque de l’Université Tenri 天理圖書館, a un colophon datant de 1327). Il s’agit d’un écrit de traditions orales secrètes de l’Ecole Shingon relatives au Sanctuaire d’Ise, où se trouvent une description détaillée du rituel selon la tradition du Tōji, un mythe développé de la tradition du Tōji, et la première partie du mythe Tendai(120) ;
Biki-sho [ou Hana-gaeri-sho] 鼻歸[皈]書, “Traité pour revenir au commencement” [?], composé par un certain Chien 智圓 en 1324, conservé à la Bibliothèque du Sanctuaire d’Ise. Cet ouvrage, à un titre étrange, serait proche pour le contenu au Tenshō-taijin kuketsu. : il contient une description détaillée du rituel selon la tradition du Tōji, ainsi qu’un historique de la transmission du rituel. Il semble comporter des éléments relevant du courant Tachikawa-ryū(121) ;
Shindai hiketsu 神代祕決, “Traditions scrètes de l’époque des dieux”, dont la plus ancienne copie, conservée à l’Entsū-ji 圓通寺 au Kōya-san 高野山, est datée de 1346. D’après Itō Masayoshi, ce document peut être considérée comme représentant la “version définitive” (kettei-ban 決定版), la plus complète à ce jour, des rituels de la tradition du Tōji et de celle du Tendai. Une grande partie du document concernant les rituels de l’Onction d’intronisation est citée par Itō(122) ;
Tenshi sokui kanjō 天子即位灌頂, “L’Onction d’intronisation du Fils du Ciel”, qui semble dater de 1474, dont une copie est conservé au Sanzen-in 三千院 à Kyōto, et une autre à la Bibliothèque du Cabinet 内閣文庫. C’est un document attestant la transmission du rituel (injin 印信) du précédant Supérieur du Tendai Kōshō 公承 à l’actuel Supérieur du Tendai Gyōin 堯胤, contenant une description complète du rituel selon la tradition du Tendai(123).
2) Quelques rares écrits relevants des officiels de hauts grades. Le principal document dans cette catégorie est le Sokui kanjō in-myō yurai-ji 即位灌頂印明由來事, “Transmission du Sceau et de la Formule de l’Onction d’intronisation”, daté de 1500, écrit par Ichijō Fuyura [ou Fuyuyoshi] 一条冬良 (1464-1514), qui transmet la tradition reçue de son père, Ichijō Kanera [ou Kaneyoshi] 一条兼良 (1402-1481). L’un et l’autre furent des Grands Rapporteurs et Ministres des Affaires Suprêmes, kampaku dajō-daijin 關白太政大臣 ; Ichijō Kanera fut le petit-fils de Nijō Yoshimoto 二条良基 [1320-1388], qui d’abord appartint à la cour de l’Empereur Go-daigo 後醍醐天皇 [1288-1339, règne 1318-1339], mais se mit ensuite sous le patronage des Ashikaga 足利 et put devenir Régent ou Grand Rapporteur de la Cour du Nord 北朝. Ce document s’étend sur l’histoire de la transmission du rituel dans la famille Nijō, puis Ichijō, mais ne décrit son contenu qu’en des mots volontairement voilés, et dissimule le Sceau et la Formule par des tirets (「所詮印者— —、印明者— — —明也。」 “Le Sceau est — —, la Formule est — — —”)(124). Cependant, on peut conjecturer que les deux tirets du Sceau correspondent à chiken 智拳, c’est-à-dire le «Sceau du Poing de la Sapience», et les trois tirets de la Formule correspondent à dakini 荼枳尼, c’est-à-dire le mot «Dakini» — c’est du moins ainsi que Kamikawa les restitue(125).
3) Des passages de la littérature profane, ou des pièces de théâtre plus ou moins populaires. Les plus connus sont un passage des célèbres chroniques guerrières Taihei-ki 太平記, datant du XIVe siècle et issues probablement du milieu monastique de l’école Ritsu (rissō 律僧), où est relaté au long le mythe de la tradition de l’Ecole Tendai(126) ; le même mythe se retrouve dans des pièces de Nō telles que Kiku Jidō 菊慈童 ou Makura Jidō 枕慈童(127). — Le mythe du rituel de la tradition du Tōji se retrouve, sous une forme très développé et romancée, dans une pièce de théâtre populaire du genre Kōwaka-mai 幸若舞 intitulée “Iruka 入鹿”, remontant au XVe ou XVIe siècle(128).
Les lecteurs peuvent s’étonner qu’il y ait des documents de la littérature profane, dans lesquels sont relatés des éléments relatifs à un si grand secret, mais c’est là un fait tout à fait typique de la culture japonaise du Moyen âge. Les grands temples bouddhiques, comme le Hiei-zan ou le Kōya-san 高野山 ou encore le Kōfuku-ji 興福寺 à Nara (temple qui avait des relations particulièrement étroites avec le Sanctuaire de Kasuga — lié de tout temps au clan Fujiwara — et avec l’Ecole Shingon) étaient non seulement des centres religieux mais aussi des centres culturels ; c’était pour ainsi dire des nœuds nerveux par lesquels les cultures de toutes les couches sociales étaient comme obligées de passer. C’était là que s’accumulaient aussi bien la culture aristocratique que la culture populaire, là aussi que s’amalgamaient et se créaient de nouvelles cultures, enfin c’était de là que se diffusaient ces cultures à toutes les couches sociales. On doit en particulier noter le rôle important qu’ont joué dans le cadre de ces temples les populations “hors-caste” (nous entendons par là les populations de diverses sortes, comme celles pratiquant certaines professions spécialisées telles que les forgerons ou les bûcherons, ou des artistes, des ascètes, des religieux ambulants, des “moines guerriers”, des mendiants, des lépreux, etc.(129)), considérées comme sacrées, et craintes comme telles ; bien qu’elles fussent objet de discrimination sociale, surtout à partir de la seconde moitié du Moyen âge, bien des arts littéraires ou des arts de spectacle furent créés et diffusés par elles. C’est ainsi que les traditions ésotériques ou aristocratiques qui pouvaient être tenues dans le plus grand secret pouvaient s’infiltrer et être diffusées par ce canal vers le monde profane.
Mais il est remarquable de noter aussi que, lorsque des légendes relatives aux rituels de l’Onction d’intronisation sont citées dans ces œuvres, elles sont séparées du contexte rituel proprement dit, si bien que les lecteurs ou les spectateurs pouvaient difficilement imaginer que derrière elles, un monde religieux d’un profond et sombre mysticisme s’étendait. Tout semble aller comme si les créateurs de ces œuvres avaient eu un accès plus ou moins direct aux plus grands secrets ésotériques, mais qu’ils avaient soigneusement évité de les divulguer tels quels au monde profane. Le cas du Taihei-ki est particulièrement frappant. Itō a pu montrer que le récit cité dans ce livre est presque littéralement le même que celui de la tradition orale du Tendai-gata go-sokui-hō résumé ci-dessus(130). Il va même jusqu’à dire que les stances du Fumon-bon sont transmises à chaque prince héritier le jour de son intronisation. Mais il ne dit mot du rituel lui-même, et cite tout le récit comme une légende relative aux chevaux mythiques des anciens rois.

E. Différentes formes de rituel Retourner à la Table des Matières
Venons-en maintenant aux rituels eux-mêmes. Le plus simple de ceux-ci est, comme on l’a déjà dit, celui de la tradition des familles du clan Fujiwara : selon le Sokui kanjō in-myō yurai-ji mentionné ci-dessus, le rituel semble avoir consisté à ce qui suit(131) :
Juste avant la cérémonie d’intronisation, dans la pièce d’arrière (kōbō 後房) de la pièce où se déroule la cérémonie elle-même, le prince héritier se lave les mains et se rince la bouche pour se purifier, et le Régent (membre d’une des familles de Régent) lui transmet en secret un Sceau et une Formule — c’était très probablement le Sceau du Poing de la Sapience et la Formule de Dakini-ten(132), selon la conjecture de Kamikawa ;
Le prince héritier forme le Sceau et récite la Formule (sans la prononcer, seulement “dans le cœur”, go-shin-chū nari 御心中也) tout en avançant vers le Haut-Trône, jusqu’à ce qu’il s’y assoie.
C’était tout. Il semble bien que cette Onction ne comportât pas l’aspersion par l’eau proprement dite.
Maintenant, le rituel selon la tradition du Tōji est plus complexe, et il y a des variations dans les détails selon les documents(133). Mais en gros, les sources sont d’accord pour dire que l’essentiel consistait en trois Sceaux et deux Formules. En simplifiant quelque peu les informations données par le Tenshō-taijin kuketsu, le Biki-sho et le Shindai hiketsu, on peut se les représenter comme suit :
Le premier Sceau est celui du Vajra à cinq pointes formé par l’extérieur (ge-go-ko-in 外五股[古]印) et la première Formule est celle de la Colère (funnu-myō 忿怒明), qui est une partie de la Formule du Roi de Science Acala (Fudō myōō 不動明王) “Caṇḍa-mahā-roṣaṇa HŪṂ” [prononcé en japonais “Senda-maka-roshada Un](134).
Le second Sceau est appelé le Sceau de la Possession en main des Quatre Océans (shikai ryōshō-in 四海領掌印), et la seconde Formule est celle de Dakini-ten. Bien qu’il soit appelé un Sceau, il ne s’agit pas d’un Sceau ordinaire bouddhique. C’est un mouvement des deux bras et des deux mains accompagné de la prononciation de la Formule : on joint d’abord les deux mains (gasshō 合掌, sk. añjali) en prononçant “ON” [OṂ], puis on couvre l’épaule gauche avec la main droite en prononçant “Dakini” ; on couvre ensuite l’épaule droite avec la main gauche en prononçant “Kyachi [ou Bagyachi, selon la citation d’Abe, 1989, p. 144]”. Ensuite, (bien que nos sources ne le disent pas, il semble qu’on étende les deux bras devant soi et) on tourne la paume de la main droite vers le haut et celle de la main gauche vers le bas en prononçant “Kyaka” ; enfin, on tourne la paume de la main droite vers le bas et la paume de la main gauche vers le haut en prononçant “Neiei Sowaka”. D’après nos sources, ce mouvement serait un “Sceau” transmis directement par la Grande Divinité Amaterasu, et pratiqué tous les jours par les vierges officiantes (appelées kora 子良) lors de la cérémonie d’offrande de nourriture à la divinité au Sanctuaire d’Ise(135), alors que la Formule de Dakini-ten y aurait été ajoutée par Kōbō-daishi(136). Selon une “exégèse” donnée par le Shindai hiketsu, le mouvement de couvrir l’épaule gauche avec la main droite représente la Dakini-ten femelle, et le Plan de la Matrice (lequel est symbolisé par la Formule A-VI-RA-HŪṂ-KHAṂ), et le mouvement de couvrir l’épaule droite avec la main gauche représente le Dakini-ten mâle, et le Plan de Diamant (symbolisé par la Formule VAJRA-DHĀTU-VAṂ). Le Shindai hiketsu ajoute que c’est la raison pour laquelle “on fabrique en or et en argent deux statues de Dakini-ten, l’une mâle et l’autre femelle, et les place à droite et à gauche de l’empereur lors de son intronisation”(137). La présence de ces deux statues est mentionnée aussi bien par le Tenshō-taijin kuketsu que par le Biki-sho.
Enfin, le troisième Sceau est celui du Poing de la Sapience, et la Formule qui l’accompagne est celle de Dakini-ten (sans doute “ON Dakini Kyachi [ou Bagyachi] Kyaka Neiei Sowaka”).
C’est le Régent qui transmet le rituel au prince héritier montant au trône. Lorsque celui-ci aura accompli ces “trois Sceaux et deux Formules”, on lui verse de l’eau “tirée des Quatre Océans” sur la tête ; il se couvre d’une couronne parée d’un motif de bambou (symbolisant le Sanctuaire Intérieur, naikū 内宮, d’Ise [c’est-à-dire la Grande Divinité Amaterasu]) et d’un motif de cercle (symbolisant le Sanctuaire Extérieur, gekū 外宮, d’Ise [c’est-à-dire la Grande Divinité Toyouke 豐受大神](138)) et s’assoie sur le Haut-Trône. C’est la fin de la cérémonie de l’Onction d’intronisation.
Le Shindai hiketsu mentionne une importante variante de ce rituel : d’après ce texte en effet, il existe un autre rituel transmis dans la branche Hirosawa 廣澤 de l’Ecole Shingon (alors que le rituel décrit ci-dessus relève de la branche Sanbō-in 三寶院). D’après cette tradition, c’est le Rituel des Trois Dieux ensemble (san-ten gōgyō hō 三天合行法) qui est pratiqué lors de l’intronisation des empereurs ; et les “Trois Dieux” en question sont Shōten (~ Gaṇeśa japonais), Dakini-ten et Benzai-ten 辯才天 (Sarasvatī) : c’est une divinité ayant trois face [représentant ces trois divinités]. Celles-ci représentent le Joyau au Trois pétales (san-ben hōju 三辨寶珠), lequel correspond aux Claires Divinités du haut, du milieu et du bas sanctuaires d’Inari (Inari jō-chū-ge san-sho daimyōjin 稲荷上中下三所大明神)(139). — Ainsi, nous retrouvons de nouveau cette “singulière divinité” appelée Matara-jin ou Yasha-jin, associée à Dakini-ten et à Inari, et au Joyau-à-souhait. Tous ces personnages appartiennent manifestement à la même “famille mythique”.
En ce qui concerne le rituel selon la tradition du Tendai, qu’il nous suffise ici de dire qu’il est plus complexe que celui de la tradition du Tōji, surtout par le fait qu’une partie importante est consacrée à la transmission de huit stances tirées de différents chapitres du Sūtra du Lotus considérées comme l’essence du Sūtra (le plus “essentiel” parmi ces huit stances, ce sont les deux extraites du Chapitre Fumon-bon, et dans ces deux stances, le mot “Compassion”, jihi 慈悲) — ce qui fait que ce rituel n’est pas exclusivement “ésotérique” mais aussi “exotérique”, conformément à l’idéal du Tendai. Mais le noyau du rituel semble rester à peu près le même que le rituel de la tradition du Tōji : c’est le Sceau du Poing de la Sapience accompagné des Formules des deux Plans, de la Matrice et du Diamant, précédées chacune du mot “Dakini”, à savoir la Formule “Dakini A-VI-RA-HŪṂ-KHAṂ” pour le Plan de la Matrice, et la Formule “Dakini VAJRA-DHĀTU-VAṂ” pour le Plan du Diamant. Le Shindai hiketsu dit que le rituel est transmis au prince héritier par des moines de hauts grades (kōsō 高僧), alors que dans le Tenshi sokui kanjō, c’est le Régent qui a cette fonction, tout comme dans le rituel de la tradition du Tōji(140).

9. Le rôle de Dakini-ten dans le rituel de l’Onction d’intronisation Retourner à la Table des Matières
A. Elements érotiques et violents dans les mythes Retourner à la Table des Matières
Maintenant, que peut-on tirer de tout cet amas d’étranges mythes et de rituels secrets ?
On notera d’abord le caractère nettement érotique de certains éléments des mythes. En ce qui concerne le mythe de la tradition du Tendai, le récit de l’amour homosexuel entre l’Empereur Shi des Qin et ce “garçon de Compassion” Ji-dō (dans la seconde partie du mythe) suggère des images à la fois érotiques et déviant de la norme sociale. La même chose peut être dite de la scène du rapt du bébé Kamatari par la renarde dans le mythe de la tradition du Tōji(141). Une source, intitulée Shun’ya jin-ki 春夜神記 [Notes des nuits printanières sur les dieux], écrit même que la renarde “prit [le bébé] sur son ventre et l’aima, en prononçant la parole d’incantation...” (...aishite iwaku 愛シテ云)(142). Alors que dans le mythe de Ji-dō, il s’agissait d’un amour homosexuel, ici, le rapport érotique s’établit entre un animal (très probablement femele) et un bébé humain (ou bien peut-être la renarde est-elle la mère du bébé...?). De plus, selon une remarque d’Abe Yasurō, le début de l’étrange incantation que l’animal prononce à cette occasion, “Ji-son-so-ri....” rappelle de très près le mot argotique usité en langue médiévale, “shisosori しそそりqui aurait signifié le sexe féminin ou des choses en rapport avec le sexe féminin(143). D’autre part, on peut relever aussi une atmosphère de violence dans le mythe de la tradition du Tōji, surtout dans l’épisode où Kamatari coupe la tête d’Iruka avec la faucille donnée par la renarde. Ce mythe pourrait suggérer que la royauté japonaise n’a pu être fondée en paix qu’au prix de cet acte de meurtre accompli par un sujet qui deviendra de ce fait “le Maître du Fils du Ciel”.
Dans le rituel de la tradition Tendai, aucune image explicitement érotique n’est évoquée (sinon peut-être l’insistance sur le mot “Compassion”, qui rappelle Kannon / Avalokiteśvara) ; par contre, dans le rituel de la tradition du Tōji, la présence des deux statues en or et en argent d’un couple de renards/Dakini-ten est un élément qui peut suggérer de fortes images érotiques ; le fait que le nouvel empereur doit se placer entre ces deux statues pourrait même faire penser qu’il naît de ce couple animal (ou peut-être d’un ḍāka et d’une ḍākinī...).
D’autre part, le fait qu’il est raconté, dans le mythe de la tradition du Tōji, que les parents de Kamatari étaient du “peuple de la terre”, ou que Kamatari lui-même, grandi, travailla à la Cour comme un balayeur, semble souligner le caractère vil des origines de cet homme qui deviendra l’ancêtre du plus grand clan aristocratique du Japon(144).

B. Symbolisme du “jaune d’homme” Retourner à la Table des Matières
Maintenant, le grand problème pour nous est de savoir pourquoi Dakini-ten, cette divinité dont les origines viles de yakṣiṇī cannibale étaient bien connues, et dont les rapports étroits avec des cultes érotiques d’Inari étaient manifestes à tout le monde, a pu être choisie comme la Vénérée principale d’un rituel entouré d’un si grand mystère, fondant la légitimité même de la royauté japonaise. Abe Yasurō s’est déjà posé la question, et a proposé des solutions particulièrement intéressantes(145). Nous suivrons de près ou de loin quelques uns des arguments qu’il a avancés.
La réponse — ou du moins une des réponses possibles — à cette question difficile peut se résumer en un mot : Dakini-ten a été choisie dans ce rôle extraordinaire, à cause du “jaune d’homme” (ninnō 人黄), cette substance magique que les démones ogresses ḍākinī prenaient aux hommes mourant dans six mois et qu’elles mangeaient, qui leur donnait un pouvoir magique sans limites ; cette substance ayant été associée au Joyau-à-souhaits et aux Reliques, on pouvait croire que Dakini-ten était en possession de ce pouvoir à la fois magique et mystique, ce qui permettait de la considérer comme une émanation aussi bien du Buddha Mahāvairocana que de la Grande Divinité Amaterasu, c’est-à-dire le fondement métaphysique et mythique de l’univers dans la pensée du Japon médiéval.
Pour expliquer cela, nous devons faire une petite digression sur une autre divinité de l’ésotérisme : il s’agit du Roi de Science Amour, Aizen-myōō 愛染明王 (sk. Rāga). Ce Roi de Science a une terrible expression de Colère ; il porte un arc et une flèche comme l’Eros grec ou Kāma dans la mythologie hindoue, mais aussi comme Śiva dans sa forme de la destruction des Trois Cités aériennes d’Asura (Tripurāntakamūrti)(146). Le sūtra de base des rituels du Roi de Science Amour est le Yugi-kyō 瑜祇經, un sūtra considéré comme un apocryphe, où est décrite sa forme à trois yeux et à six bras. Or, cette iconographie comporte un point mystérieux. En effet, voici comment il est représenté dans ce texte : sa couleur rouge est comme l’éclat du soleil ; il réside dans la Roue aux Flammes intenses (shijō-rin 熾盛輪, c’est-à-dire le soleil) ; ses six mains portent : la première main gauch, une cloche de vajra, la première main droite un vajra à cinq pointes ; la seconde main gauche, un arc de vajra et la seconde main droite une flèche de vajra ; enfin la dernière main gauche porte cela (左下手持彼), alors qu’avec la dernière main droite qui porte un lotus, le dieu semble être sur le point de frapper cette chose portée dans la main gauche(147). Les docteurs japonais ont longuement discuté sur ce “cela” porté dans sa main gauche. On peut trouver une liste de ces spéculations dans un long passage du chapitre du Kakuzen-shō 覺禪鈔 consacré au Roi de Science Amour : ce cela peut être la chose désirée (par le pratiquant ou le commanditaire du rituel du Roi de Science), ou l’ennemi que l’on veut soumettre, ou l’Inscience Radicale (konpon-mumyō 根本無明), ou les Passions (bonnō 煩惱), ou la tête (coupée) d’un homme, ou le soleil ; mais l’opinion qui semble l’emporter sur toutes les autres dit que ce cela n’est autre chose que le jaune d’homme. Et ce jaune d’homme est expliqué de diverses façons : c’est la Racine de la vie (myōkon 命根), ou le cœur-foie (ou le cœur-essence) intérieur (nai-shinkan 内心肝) qui est rouge et rond comme le soleil, ou toutes les Passions, qui seront coupées d’un seul coup du lotus pur ; il peut être aussi l’âme-essence d’homme (nin shi shōryō 人之精靈), ou le cœur du roi (kokuō-shin 國王心), ou “la femme pour un homme ou l’homme pour une femme” (i-nan nyo ninnō, i-nyo nan shi ninnō 爲男女人黄、爲女男之人黄)(148).
On aura remarqué que le jaune d’homme est identifié ici au “cœur du roi”. Le commentaire du Yugi-kyō par Chōgō écrit de même(149) :
Il arrive que l’on fasse porter à cette main ‘portant cela’ (ji-hi shu 持彼手) une tête d’homme, que l’on appelle parfois ‘jaune d’homme’. C’est la Gemme d’homme (hito-tama 人玉, c’est-à-dire l’âme-essence d’homme). [...] Au sommet de la tête d’homme, il existe une chose appelée Gemme d’homme ; on fait porter [à cette main du Roi de Science la tête d’homme], parce qu’il existe une espèce de sept gouttes de rosée sur [le sommet de] la tête d’homme, et lorsque les ḍākinī les mangent, cet homme meurt d’un coup. C’est pour écarter cette calamité des ḍākinī que l’on fait porter la Gemme d’homme [à cette main du Roi de Science]. On lui fait poter la tête d’homme lorsque [le but du rituel est] la longévité [du commenditaire]. D’autre part, il arrive aussi que l’on fait porter [à cette main] un soleil dans lequel est figuré un corbeau à trois pattes. Ce soleil représente le roi, à savoir l’Empereur des hommes (ninnō 人皇 [noter l’homophonie du mot avec le “jaune d’homme”!]). On appelle parfois le roi ‘Corbeau Rouge’. ‘Rouge’ désigne le soleil, et le corbeau est l’oiseau qui est dans le soleil. Nous apprenons que la Grande Divinité Amaterasu est le dieu-fils du soleil (nittenshi 日天子, devaputra Sūrya) : elle est le soleil. Le roi étant un descendant de cette Grande Divinité Amaterasu, on l’appelle le ‘Corbeau Rouge’. Selon la tradition secrète de la branche Anō (Anō hiden 穴太祕傳 [Chōgō appartint à la branche Anō du Tendai]), [la Divinité] Hachiman 八幡 est dieu-fils de la lune ; la Grande Divinité Amaterasu est le dieu-fils du soleil ; et [la Divinité] Kamo 賀茂 [représente] les mansions des astres (seishuku 星宿). Lorsque c’est le Grand Rapporteur qui commande le rituel, on fait porter le corbeau rouge [à cette main du Roi de Science]. C’est parce que le Grand Rapporteur sert de tuteur au roi et le tient dans sa main pour gouverner les choses du monde (kokuō wo te ni nigitte tenka wo shikkō subeki yue-ni 國王ヲ手ニニキツテ天下ヲ可執行故ニ) ; c’est pourquoi on fait porter à cette main le soleil. Ceci est un secret.
On sait que le Byōdō-in 平等院 à Uji 宇治 (près de Kyōto) fut bâti par Fujiwara no Yorimichi 藤原頼通 à l’apogée de son pouvoir en 1052. Le nom de Byōdō-in vient du nom Byōdō-ō 平等王, “Roi de l’Egalité” qui est un autre nom du Roi de Science Amour. La petite note du Keiran-shūyō-shū à ce propos semble faire un exacte échos à ce qu’écrit Chōgō dans ce passage(150) :
Le nom du Byōdō-in. Le Maître dit que ce nom est dû à [la statue] du Roi de Science Amour qui avait été placée par Kōbō-daishi. C’est que nous disons que le Roi Amour est le Roi de l’Egalité. Il tient dans sa main l’âme-essence des Etres et gouverne le monde dans l’Egalité. Le Régent (setsuroku 攝祿) tient aussi dans sa main le monde et tout le peuple est dompté par lui : c’est à cela qu’il faut réfléchir profondément. C’est que le Joyau-à-souhaits est la forme de Convention (sammaya-gyō 三昧耶形) du Roi Amour. Le dieu dragon a aussi ce Joyau comme son cœur-foie. D’une manière générale, le Joyau-à-souhaits donne la capacité de tout faire selon les souhaits (nyoi-jizai 如意自在), et peut faire pleuvoir toutes sortes de joyaux (manpō 萬寶). C’est de là que vient ce nom de Joyau-à-souhaits (nyoi-hōju). Ce Vénéré [le Roi de Science Amour] signifie la possession naturelle des [domaines des] Quatre Océans (shikai jinen tsūryō 四海自然通領義 [noter que l’expression shikai tsūryō évoque infailliblement le mot shikai ryōshō qui est un terme consacré du rituel de l’Onction d’intronisation]). C’est à cela qu’il faut réfléchir profondément.
Comme nous venons de le voir, la forme de Convention du Roi de Science Amour est le Joyau-à-souhaits ; et selon une exégèse du Shin-zoku tekkin ki 眞俗擲金記, dont l’auteur serait probablement Shukaku 守覺, la Substance originelle (hontai 本體) de ce Roi de Science n’est autre que le jaune d’homme, qui est identique à la fois au Joyau-à-souhaits et au Relique(151). Abe a pu montrer que les Joyaux-à-souhaits, identifiés aux Reliques (notamment ceux qui avaient été rapportés par Kūkai de la Chine, conservés au Tōji, et dont des légendes disaient qu’il les avait ensevelis sous forme de Joyaux-à-souhaits au Mont Muroo 室生山 [appelé aussi Ben’itsu zan 宀一山] à Nara), étaient considérés comme des substances magiques de la plus haute puissance par tout le clergé et toute la cour dès la fin de l’époque Heian. Il y eut une croyance selon laquelle le nombre de ces Reliques augmentait si le pays était prospère, et qu’il diminuait dans des périodes de déclin ; c’est pourquoi on organisait des cérémonies au cours desquelles on faisait venir les Reliques du Tōji à la cour, pour en examiner le nombre (la première cérémonie de l’examen du nombre des Reliques remonte à 950). Ces cérémonies étaient occasions en même temps de distributions des Reliques à l’empereur, à l’empereur retiré et à des membres de la plus haute aristocratie(152).
Etant donné cet arrière plan, on comprendra plus aisément une association directe entre le renard divin (shinko 辰狐) et la Grande Divinité Amaterasu telle qu’elle est décrite dans ce passage du Keiran-shūyō-shū(153) :
D’une manière générale, la Grande Divinité Amaterasu est le dieu du soleil, et aussi la forme de la Roue solaire qui se retira dans la Grotte céleste (ama no iwado 天の岩戸). On dit aussi, selon une transmission, que si la Grande Divinité Amaterasu, après s’être descendue du ciel, se retira dans la Grotte céleste, ce fut sous forme du renard divin (shinko). Parmi tous les animaux, le renard divin [est le seul à] produire de la lumière de son propre corps. C’est pourquoi, la Divinité se manifesta sous cette forme (etc.)
Question : Pourquoi le renard divin produit infailliblement de la lumière ?
Réponse : Le renard divin est une manifestation-transformation d’Avalokiteśvara à la Roue-à-souhaits (Nyoirin-kannon 如意輪觀音). C’est parce qu’il a pour substance le Joyau-à-souhaits qu’on le nomme “Roi Cintāmaṇi” (Shinda-mani-ō 辰陀摩尼王). Le Joyau produit de l’éclat toujours la nuit. [...] Nous disons aussi : Il y a un vajra à trois pointes (san-ko 三古[鈷]) sur la queu du renard divin, et sur ce vajra, il y a un Joyau-à-souhaits. Le vajra à trois pointes est la forme triangulaire du Feu ; et le Joyau est l’éclat du maṇi (mani no tōka 摩尼の燈火)(154). C’est pourquoi, cette divinité, manifestant un majestueux éclat (ikō 威光) éclaire tout le Plan d’Essence (hokkai 法界, sk. dharmadhātu) (etc.). Nous disons aussi : dans le Sūtra [des Occasions] inouïes (Mizou-kyō 未曾有經), il est dit que l’on vénéra le renard divin et fit de lui le roi(155). Notre tradition dit que ce renard est la même divinité que la Grande Divinité Amaterasu qui est la Divinité Origine des Cent Rois (hyakuō genjin 百王元神).
Etant donné ce symbolisme solaire du jaune d’homme (on dirait peut-être mieux “symbolisme du soleil de minuit”), on comprendra aussi pourquoi Dakini-ten est associée à Mahāvairocana dans un texte intitulé Rinnō kanjō kuden 輪王灌頂口傳, “Traditions orales sur l’Onction du Roi à la Roue”, un ouvrage qui semble remonter à l’époque Kamakura(156). Selon un résumé qu’en donne Abe, ce document commence par déclarer que le roi est le Saint-Roi-tournant-la-Roue-d’or (konrin jōō 金輪聖王), et que, parce qu’il reçoit une Onction lors de son intronisation, il existe un rituel appelé l’Onction du roi cakravartin, au cours duquel on lui asperge l’eau des Quatre Océans sur le sommet de sa tête. Ce rituel aurait été transmis de génération en génération dans le clan des Régents. Il dit ensuite que le Tathāgata Mahāvairocana, prenant pitié des Etres qui sont attachés au monde, ordonna à Dakini-ten, qui est le Corps-écoulé (tōru-jin 等流身), [le dernier] de ses Quatre Corps d’Essence (shishu hosshin 四種法身), de manifester provisoirement (kari ni genji... 假に現じ...) le trône impérial, la plus haute et la plus glorieuse dignité dans le monde, de sorte que par cet artifice, l’attachement des Etres au monde soit au contraire coupé. Dakini est aussi une transformation de Mañjuśrī aux Huit Lettres (Hachiji Monju 八字文殊). L’auteur expose ensuite cinq sortes de Sceaux, dont le principal est le Sceau du Joyau-à-souhaits. Ce Joyau-à-souhaits est producteur de toutes les Essences dans le monde ; les Sept Joyaux de cakravartin naissent naturellement de ce Joyau. Il explique la Formule (sans doute “Dakini”) accompagnant le Sceau du Joyau-à-souhaits par le mythe de la soumission des ḍākinī mangeant le jaune d’homme : c’est la Formule même qu’elles ont reçue du Buddha (transformé en Mahākāla) à la fin du mythe, qui leur permettrait de prendre le jaune d’homme aux cadavres avant que d’autres grands yakṣa viennent les manger. Si l’on prononce cette Formule, toutes les vertus, et en particulier la vertu de Compassion, se manifesteront, et tous les Etres, bénéficiant de la vertu du Joyau-à-souhaits, seront convertis à la Loi.
*      *



(93)    Bizei betsu, i : texte dans l’édition citée, p. 233b15-17, p. 234a10-16 ; cf. le même texte cité dans Abe Yasurō, 1985, p. 33b. Retourner au texte
(94)    V. le texte cité dans Kamikawa Michio 上川通夫, 1989, p. 110 ; Abe Yasurō, 1985, p. 34 ; Sakurai Yoshirō, 1996 (“Tōji sokui-hō no san-in ni-myō ni tsuite 東寺即位法の三印二明について”), p. 232-233. Retourner au texte
(95)    Abe Yasurō, 1989, p. 140 ; Hotate Michihisa, 1990, p. 66c-67a ; cf. aussi Sakurai Yoshirō, 1996 (art. cit.), p. 233 et n. 2. Retourner au texte
(96)    Cf. Kamikawa Michio, 1989, p. 110. Retourner au texte
(97)    Kamikawa, 1989, p. 112-116, p. 131. Retourner au texte
(98)    Cf. Kamikawa, 1989, p. 115 [ou la famille Kujō 九条, selon Abe Yasurō, 1989, p. 138]. Retourner au texte
(99)    Mochizuki Bukkyō daijiten, I, p. 813b. Retourner au texte
(100)    Śatapatha-brāhmaṇa, V, 3, 4, cité par Paul Mus, 1935, p. 421 et n. 3 ; v. aussi R. N. Saletore, 1981-1985, I, p. 8-11, s.v. Abhiśeka. Retourner au texte
(101)    Cf. Mochizuki Bukkyō daijiten, I, p. 811c, citant Tt. IV 202 xiii 439c14-27. Retourner au texte
(102)    Durt, 1994 (Hōbōgirin, VII, s.v. Daikai 大海), p. 821a. Retourner au texte
(103)    Mochizuki Bukkyō daijiten, I, p. 811c, citant T. IX 278 xxvii 572b15-21. Retourner au texte
(104)    Mochizuki Bukkyō daijiten, I, p. 812a-b, citant le Hizō-ki 祕藏記, TZ. I 2921 ii 8b6-15, où l’eau de l’abhiṣeka est dite être “la Grande Compassion (daihi 大悲, mahākaruṇā) des Buddha.”. Le pratiquant-dsciple qui reçoit l’Onction suprême est assimilé au prince montant au trône : il est le “Prince de la Loi”, qui deviendra le roi de tout le Plan d’Essence. Cf. notamment le commentaire du Mahāvairocana-sūtra, Ttt. XXXIV 1796 viii 666c26-667a12. Retourner au texte
(105)    Ttt. L 2061 i 713a1-3 ; cf. Misaki Ryōshū, 1988, p. 550. Mais on remarquera que cette cérémonie eut lieu alors que Suzong 肅宗 régnait déjà. Il ne s’est pas agi donc d’une cérémonie d’intronisation proprement dite. — L’abhiṣeka comme cérémonie d’intronisation a pu être pratiqué dans d’autres pays hindouisés ou bouddhisés de l’Asie du Sud-Est, par exemple en Thaïlande. Cf. Itō Masayoshi, 1981, p. 30-31, qui cite un article de Kurushima Takudō 來島琢道, paru dans la revue Mikkyō 密教, vol. V, No. 2 [nous n’avons pas pu avoir accès à cet article]. — Notons aussi les informations données par M. Strickmann, 1996, p. 425-426, n. 57 : “On raconte qu’au VIIIe siècle, en Chine, deux empereurs (Hiuan-tsong [玄宗] et Tai-tsong [代宗] ont reçu des consécrations tantriques administrées par Amoghavajra (Pou-k’ong [不空], 705-774). «En 768, Taï Tsong ordonna à ses ministres et à ses chefs d’armée de recevoir une consécration ésotérique (kouan-ting [灌頂]) au cours d’une grande cérémonie dirigée par Pou-k’ong au Ta-sing-chan sseu [大興善寺] [monastère] et à laquelle assistaient quelque cinq mille laïques, sur une période de quatorze jours. L’Empereur prit à sa charge les frais de nourriture et offrit à Pou-k’ong de riches brocarts, des flambeaux en soie et d’autres objets estimés à plusieurs million» (Stanley Weinstein, Buddhism under the T’ang, Cambridge, 1987, p. 83 [traduit de l’anglais]). En Taïlande, le roi continue à prendre une part active à certains rituels bouddhiques. Voir Stanley J. Tambiah, Culture, Thought, and Social Action. An Anthropological Perspective, Cambridge (Mass.), 1985 : «[...] le roi qui commence à prendre le rôle de l’officiant principal est, à la fin du rituel, identifié au bouddha d’émeraude lui-même» («Changing the Clothes of the Emerald Buddha in Contemporary Thailand», p. 337 [traduit de l’anglais]), et Tambiah renvoie au culte de Jagannātha en Orissa, où «le roi est à la fois le “serviteur” principale du dieu (il balaie devant le chariot où le dieu est mené en procession) et une moindre “incarnation” de la divinité» (p. 402, n. 18 [traduit de l’anglais])....” Retourner au texte
(106)    Cf. Misaki Ryōshū, 1988, p. 123-124, p. 126, p. 551. Retourner au texte
(107)    Sur ce rôle mytho-poïètique du rituel, cf. un article très intéressant de Tanaka Takako 田中貴子, 1993, p. 294-315. Retourner au texte
(108)    Abe Yasurō, 1989, p. 142-143. Retourner au texte
(109)    Texte cité par Itō, 1981, p. 9b-10b. Retourner au texte
(110)    Cf. Abe Yasurō, 1984, I, notamment p. 15b sq. Retourner au texte
(111)    l’Empereur Mu vécut vers le Xe siècle av. J.-C. ; un ouvrage célèbre intitulé “Biographie du Fils du Ciel Mu”, Mu-tiansi zhuan 穆天子傳 raconte la légende de son voyage vers l’Ouest, où il rencontra la Mère Reine de l’Ouest Xiwangmu 西王母 au Mont Kunlun 崑崙 Retourner au texte
(112)    T. IX 262 vii 58b1-2 Retourner au texte
(113)    Le Tendai-gata go-sokui-hō dit que la suite s’est passée toujours sous le règne de l’Empereur Mu ; mais la plupart des autres sources préfèrent changer de règne et disent que la suite s’est passée sous le règne de l’Empereur Shi des Qin. Retourner au texte
(114)    Abe relève comme de possibles sources des ouvrages tels que le Zhunshu-jinian 竹書紀年, le Liezi 列子, le Baishi wenji 白氏文集 ou le Mu-tiansi zhuan pour la première partie, et le Liexian zhuan 列仙傳, le Yiwen leiju 藝文類聚, le Chuxue-ji 初學記 ou le Fengsu-tong 風俗通 pour la seconde partie. Cf. Abe, 1984, I, p. 5a-b, p. 10b-11a Retourner au texte
(115)    Abe mentionne des ouvrages comme le Gojō naigi-shō 五常内義抄 ou le premier kan du Kara-kagami 唐鏡 pour la première partie, et des poèmes en chinois du Wa-kan rōei-shū 和漢朗詠集 pour la seconde partie. Cf. Abe, 1984, I, p. 5b et p. 10b et sq. — Sur les sources chinoises et japonaises des deux parties du mythe Tendai, v. aussi Itō, 1981, p. 5a-b, p. 31a-32a. — Le premier document où la première partie du mythe apparaisse est le Yōten-ki 燿天記, un ouvrage du Sannō-shintō 山王神道 remontant à 1223 ; la seconde partie du mythe apparaît pour la première fois dans un ouvrage de miscellanées de l’Ecole Shingon intitulé Shin-zoku zakki mondō shō 眞俗雜記問答鈔 par Raiyu 頼瑜, datant de 1260. Cf. Abe, 1984, I, p. 5b-6a et p. 9b-10a. Retourner au texte
(116)    Cf. Abe Yasurō, 1980, p. 19 et n. 3. Retourner au texte
(117)    Les principaux sont mentionnés ou cités par Itō Masayoshi, 1981 ; Abe Yasurō, 1980 ; Id., 1984 et les autres travaux cités à la note 4. Retourner au texte
(118)    Cf. Abe, 1989, p. 143 et n. 61. Retourner au texte
(119)    Tttt. LXXVII 2412 x 89b14-90a22 ; cf. Abe, 1989, p. 164, n. 52. Retourner au texte; retour à la note 138
(120)    Tout le passage concernant l’Onction d’intronisation est cité par Itō, 1981, p. 14a-15b ; cf. aussi Abe, 1989, 142-143 et n. 59 ; Id., 1980, p. 20a-21a et sq. ; Yamamoto Hiroko, 1993, p. 341-342, p. 363-365. Retourner au texte
(121)    Cité par Itō, 1981, p. 17a-18a ; cf. aussi Yamamoto Hiroko, 1993, p. 341-343 ; Sakurai Yoshirō, 1996 (“Tōji sokui-hō no san-myō ni-in ni tsuite”), p. 238-243 ; Nishiyama Masaru 西山克, 1993, p. 219-220, p. 253-255. Retourner au texte
(122)    Itō, 1981, p. 18b-19b. Retourner au texte; retour à la note 138
(123)    Tout le texte est cité par Itō, 1981, p. 20b-22b et Kamikawa, 1989, p. 118-121, et analysé par Kamikawa, 1989, p. 121-122. Retourner au texte; retour à la note.
(124)    Tout le document est cité par Itō, 1981, p. 25a-b. Il en existe plusieurs manuscrits, conservés à la Bibliothèque du Cabinet et à la Bibliothèque du Bureau des Affaires Impériales 宮内廳書陵部. Cf. aussi Kamikawa, 1989, qui utilise ce document tout au long (surtout p. 110 et n. 24). Retourner au texte
(125)    Cf. Kamikawa, 1989, p. 124. Retourner au texte
(126)    Taihei-ki 太平記, éd. Gotō Tanji 後藤丹治 et Kamata Kisaburō 釜田喜三郎, II, 1961, p. 13-14 ; sur le Taihei-ki, v. Iyanaga, 1997, p. 344 et n. 54. Retourner au texte
(127)    Cf. Itō, 1981, p. 1a-5a. Retourner au texte
(128)    Ce texte est édité par Araki Shigeru 荒木繁, Ikeda Kōji 池田廣司, Yamamoto Kichizō 山本吉左右, 1979, p. 3-14. Cf. le même ouvrage, p. 17b-18b, n. 16, qui cite différentes sources de la littérature médiévale où le récit de la naissance de Kamatari se retrouve. Sur le genre Kōwaka-mai en général, cf. le même ouvrage, p. 335-358. Retourner au texte
(129)    Sur les populations “hors-caste” au Moyen âge, cf. les divers travaux d’Amino Yoshihiko 網野善彦, par exemple Amino Yoshihiko, 1997. Retourner au texte
(130)    Itō, 1981, p. 12b-13a. Retourner au texte
(131)    Cf. Kamikawa, 1989, p. 124-125. Retourner au texte
(132)    On pourrait conjecturer que cette Formule de Dakini se divisait en deux parties : la première aurait été “Dakini A-VI-RA-HŪṂ-KHAṂ [prononcé en japonais “Dakini A-bi-ra-un-ken”])” et la seconde “Dakini VAJRA-DHĀTU-VAṂ [prononcé en japonais “Dakini Bazara-dato-ban”])” (c’est-à-dire les Fromules du Buddha Mahāvairocana du Plan de la Matrice et du Plan du Diamant précédées du mot “Dakini”), comme dans le rituel de la tradition du Tendai que l’on verra ci-dessous. Retourner au texte
(133)    Cf. en particulier Sakurai Yoshirō, 1996, p. 232-250 (“Tōji sokui-hō no san-myō ni-in ni tsuite”). Retourner au texte
(134)    Cf. Toganoo, 1982A, p. 141 sur le Sceau ; p. 361 sur la Formule d’Acala ; v. aussi Shuin-zu 手印圖 TZ. VIII 3174 i 328b pour une image du Sceau ; et Yamamoto Hiroko, 1997, p. 97a-b et fig. ; Sakurai, 1996, p. 241 sur la Formule. Retourner au texte
(135)    Cf. Yamamoto, 1993, p. 342-351 Retourner au texte
(136)    Cf. Sakurai, 1996, p. 238-243. Retourner au texte
(137)    Cf. Sakurai, 1996, p. 247-248 Retourner au texte
(138)    La Grande Divinité Toyouke est sans doute la même que Toyu-uke-no-kami, qui, elle-même, est une divinité de nourriture proche de la déesse Uka-no-mi-tama, identifiée à Inari. On peut déceler ainsi une raison des rapports étroits entre Inari et et le Sanctuaire d’Ise, surtout au Moyen âge où le clan de prêtres Watarai 渡會, qui officiait au Sanctuaire Extérieur, avait l’initiative dans la formation de la théologie d’Ise (Ise-shintō 伊勢神道). C’est dans ces rapports qu’il faut chercher au moins une des raisons de l’association étroite entre Amaterasu à Inari, et donc à Dakini-ten. Le symbolisme solaire de Dakini-ten, qui sera discuté ci-dessous, peut remonter aussi à cette association. Retourner au texte
(139)    Cf. Yamamoto Hiroko, 1993, p. 360 ; Sakurai Yoshirō, 1996 (“Kitabatake Chikafusa to sokui-kanjō 北畠親房と即位灌頂”), p. 262-263. Retourner au texte
(140)    Cf. par exemple le Shindai hiketsu, le Sōji-shō de Chōgō ou le Tenshi sokui kanjō. Pour les références de ces documents, v. supra, n. 119, 122, 123 et les passages qui s’y réfèrent. Retourner au texte
(141)    Les textes ne précisent pas le sexe de l’animal, mais le contexte semble suggèrer qu’il s’agit bien d’une renarde. Retourner au texte
(142)    Le Shun’ya jin-ki est une collection des légendes sur le Sanctuaire de Kasuga que l’on croit avoir été constituée vers le début de l’époque Muromachi, soit dans la première moitié du XIVe siècle (mais il est possible que la partie sur le mythe de Kamatari soit une interpolation). Un manuscrit conservé à la Bibliothèque Sonkei-kaku est datée de 1437. Cf. Abe, 1980, p. 22a-24a, qui cite et analyse le texte. Retourner au texte
(143)    Cf. Abe Yasurō, 1990A, p. 9a-b. Cette incantation rappelle les “chants en sanscrit” (bonka 梵歌) des deux garçons entourant Matara-jin dans le Genshi-kimyō-dan : “Shi-shi-ri-shi-ni-shi-shi-ri-shi 指々利子儞子々利指” pour le garçon de gauche et “So-so-ro-so-ni-so-so-ro-so 蘇々呂蘇儞ソソロ蘇” pour le garçon de droite. Selon une interprétation, ces “chants” cachent des mots obscènes, désignant l’anus et les organes sexuels masculins et féminins. Cf. Kageyama Haruki, 1975, p. 327-328. Retourner au texte
(144)    Sur le balai comme un trait marquant l’impureté, cf. R. A. Stein, 1981B, p. 31 du tiré-à-part. Retourner au texte
(145)    Surtout dans sa brillante étude sur les croyances relatives aux Joyaux-à-souhaits (nyoi-hōju 如意寶珠, sk. cintāmaṇi) et aux cultes de Reliques (shari 舍利, sk. śarīra), Abe, 1989, p. 138-148. Retourner au texte
(146)    Sur Aizen-myōō 愛染明王, cf. Anonyme (Hōbōgirin, I) p. 15b-17a ; Bernard Frank, 1994 ; Nedachi Kensuke, 1997. — Sur la forme de Śiva detruisant les Trois Cités d’Asura, cf. Stella Kramrisch, 1981, p. 47, fig 40. Retourner au texte
(147)    Kongō-hō-rōkaku issai yuga-yugi kyō 金剛峯樓閣一切瑜伽瑜祇經, T[tt]. XVIII 867 i 256c4-18. Retourner au texte
(148)    Cf. Kakuzen-shō 覺禪鈔TZ. V 3022 lxxxi 252a15-253a20. Retourner au texte
(149)    Yugi-kyō chōmon-shō 瑜祇經聽聞抄, édité dans Zoku-Tendai-shū zensho, Mikkyō 2, p. 305b3-14, et cité partiellement par Yamamoto Hiroko, 1993, p. 315-316. Retourner au texte
(150)    Keiran-shūyō-shū, Tttt. LXXVI 2410 xcii 799c2-9 ; cité par Abe, 1989, p. 131-132 et par Yamamoto, 1993, p. 316-317. Retourner au texte
(151)    Cf. Abe Yasurō, 1989, p. 131 et n. 31 (où est cité Yamazaki Makoto 山崎誠, 1981). Un manuscrit du Shin-zoku tekkin ki, copié en 1451 et portant un colophon de 1265, est conservé à la Bibliothèque Sonkei-kaku. Retourner au texte
(152)    Cf. Abe, 1989, p. 124-130. — Il est intéressant de noter que dans le Dazhidu-lun / Daichido-ron 大智度論, on trouve un long passage expliquant les qualités et les origines de divers joyaux ; il y est dit que le Joyau-à-souhaits provient “des Reliques du Buddha (buddhaśarīra) : quand la Loi disparaîtra, toutes les Reliques du Buddha se transformeront en Joyaux-à-souhaits” (Tt. XXV 1509 x 134a21-22 ; Lamotte, 1966, p. 600 [nous devons cette référence à Monsieur H. Durt]. Retourner au texte
(153)    Keiran-shūyō-shū, Tttt. LXXVI 2410 vi 520c20-521a6. Retourner au texte


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